Une histoire des sens Alain Corbin
Résumé
Parmi les historiens français d'aujourd'hui, Alain Corbin est l'un des rares qui soit reconnu internationalement comme un "maître", ayant réussi à créer autour de lui et à partir de son oeuvre mieux qu'une "spécialité" de plus (les sensibilités), une nouvelle manière de faire de l'histoire. Corbin est, par excellence, l'historien des sens, l'historien des émotions, l'historien des corps. Il réussit ce tour de force de nous faire comprendre le plus intime grâce à une lecture sans préjugé des documents d'époque. Et ce corps-là, c'est déjà le nôtre. Ce volume offre un échantillon remarquable des trois grandes manières qu'a l'auteur d'aborder ses terres familières. Le Miasme et la jonquille fut en son temps (1982) - et demeure - un manifeste pour une histoire du sensible. Il s'agissait de prouver tout à la fois que : faire l'histoire d'un sens (ici l'odorat, ou, pour être précis, de la "sensibilité olfactive") était un projet tout aussi noble que de faire l'histoire de Napoléon ou de la révolution industrielle ; cette histoire était possible, grâce à une lecture intelligente des documents à notre portée, depuis les règlements municipaux jusqu'aux poèmes romantiques. On retrouve cette méthode dans plusieurs des principaux livres qui ont suivi, comme Les Cloches de la terre (sur la sensibilité auditive de la "France profonde", déjà moderne mais encore rurale) ou Le Territoire du vide, où il reconstitue ce moment étonnant où l'homme moderne (anglais, d'abord) a inventé la mer comme loisir, autrement dit le "balnéaire", invention contemporaine de celle de la montagne. Le Village des "cannibales" (1990) est une de ces monographies villageoises qui nous plaisent tant (ici la petite commune de Hautefaye, dans le nord de la Dordogne), mais saisie dans un moment de paroxysme. Une journée de folie collective, au coeur de l'été 1870 où, sous l'effet de l'entrée en guerre et des premiers désastres, une foule réunie pour une foire traditionnelle se transforme en collège de bourreaux. Le supplicié (les détails sont atroces) est un jeune aristocrate, supposé républicain mais surtout, par cela même, "prussien". Cette étude - toujours d'actualité - est d'autant plus fascinante pour le lecteur que, par ailleurs, le même explorateur des émotions sait comme aucun autre reconstituer ici l'histoire de La Douceur de l'ombre (L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, 2013), là de L'Harmonie des plaisirs, autrement dit des manières de jouir, du siècle des Lumières à l'avènement de la sexologie (2007). Autre exploration : celle du Monde retrouvé de Louis-François Pinagot (1998) où Corbin s'est lancé sur les traces d'un inconnu. Un sabotier analphabète de la région natale de l'auteur, qui vécut 78 ans au XIXe siècle sans laisser aucune trace directe mais dont l'historien réussit à reconstituer l'univers, matériel aussi bien que mental, avec la même finesse que celle qu'on réservait jusque là aux "grands hommes". Un véritable tour de force et un ouvrage unique en son genre : plus de 300 pages sur "un homme sans qualité". Projet a priori infaisable et pourtant mené à bien. En complément, on a sélectionné un ensemble de courts textes qui permettent d'éclairer la démarche de l'auteur, les uns plus programmatiques ("Invitation à une histoire du silence"), les autres partant d'une étude de cas pour creuser l'intime ("Écriture de soi sur ordonnance", ou l'histoire des pollutions nocturnes de M X, patient d'un professeur de faculté).
- Auteur :
- Corbin, Alain
- Éditeur :
- Paris, Robert Laffont, 2016
- Collection :
- Bouquins
- Genre :
- Essai
- Langue :
- français.
- Description du livre original :
- 1 vol. (726 p.)
- ISBN :
- 9782221122396.
- Domaine public :
- Non
Table des matières
- Préface par Pascal Ory
- L’enfant du bocage
- Un historien
- Deux textes à la limite
- Post-scriptum
- Le miasme et la jonquille
- Présentation
- Avant-propos
- La désodorisation et l’histoire de la perception
- L’incertitude inquiète du discours savant
- Première partie. Révolution perceptive ou l’odeur suspecte
- 1. L’air et la menace putride
- Un effrayant bouillon
- Les odeurs de la corruption
- 2. Les pôles de la vigilance olfactive
- La terre et l’archéologie du miasme
- Le marécage de sanies
- 3. Les émanations sociales
- L’odeur des corps
- La gestion du désir et de la répulsion
- La sentine et les odeurs de la ville malade
- 4. Redéfinir l’insupportable
- L’abaissement des seuils de tolérance
- L’ancien alibi thérapeutique
- La dénonciation du musc
- La disqualification de l’aromate
- 5. Le nouveau calcul du plaisir olfactif
- Le plaisir et l’eau de rose
- Le parfum de Narcisse
- 1. L’air et la menace putride
- Deuxième partie. Purifier l’espace public
- 1. Les stratégies de la désodorisation
- Paver. Drainer. Ventiler
- Désentasser. Désinfecter
- 2. Les odeurs et la physiologie de l’ordre social
- Le bref âge d’or de l’osmologie et les conséquences de la révolution lavoisienne
- L’utilitarisme et les odeurs de l’espace public
- La révolution des chlorures et la maîtrise des flux
- 3. La politique et les nuisances
- L’élaboration du code et le primat de l’olfaction
- L’apprentissage de la tolérance
- 1. Les stratégies de la désodorisation
- Troisième partie. Odeurs, symboles et représentations sociales
- Cabanis et le sens des affinités
- 1. La puanteur du pauvre
- Les sécrétions de la misère
- La cage et la tanière
- Décrotter le misérable
- 2. « l’haleine de la maison1 »
- La phobie de l’asphyxie et l’odeur d’hérédité
- Les exigences des hygiénistes et la sensibilité nouvelle
- Les gestes et les normes
- 3. Les parfums de l’intimité
- « La propreté persévérante1 »
- Les oscillations courtes de l’histoire de la parfumerie
- 4. L’ivresse et le flacon
- La respiration du temps
- L’encensoir de l’alcôve
- 5. « Rires en sueur1 »
- La difficile bataille de l’excrément
- Deux conceptions de l’air
- Les vertus de la crasse
- Dénouement « les odeurs de paris »
- Le dépérissement des mythologies prépastoriennes
- Le circuit hermétique ou le torrent
- La stagnation ou la dilution
- Épilogue
- Conclusion
- Le village des « cannibales »
- Présentation
- Prélude
- 1. La cohérence des sentiments
- La paille et le joug
- Les voleurs de caisses publiques
- La logique de l’attachement
- 2. L’angoisse et la rumeur
- L’argent prussien
- Fête nationale, célébration du souverain
- La licence du foirail et l’étalage des vantardises
- La scène vide
- 3. La liesse du massacre
- L’équation victimaire
- Le calcul de la souffrance
- « Bourrer » le « Prussien »
- Le bûcher ou la tribune improvisée
- Vers le déchiffrement de l’énigme
- 4. L’hébétude des monstres
- Le travail de l’horreur
- La statue de charbon
- La guillotine aux champs
- Conclusion
- Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot
- Présentation
- Prélude. Recherche sur l’atonie d’une existence ordinaire
- 1. L’espace d’une vie
- 2. « L’infini d’en bas »
- 3. Affinités électives et parentèle
- 4. Le langage de l’analphabète
- 5. Le sabotier, la fileuse et les gantières
- 6. Les plaisirs de l’arrangement
- 7. Le passé décomposé
- 8. Les invasions
- 9. « L’audace des pauvres* »
- 10. Le paroissien, le garde et l’électeur
- Fragments d’une histoire sensible
- Présentation
- Écriture de soi sur ordonnance
- Invitation à une histoire du silence*
- Préface. Au livre « la fée et la servante »
- Recherche historique et imaginaire politique
- Le XIXe siècle ou la nécessité de l’assemblage
- Notes
- Avertissement
- Le miasme et la jonquille
- Avant-propos
- Première partie. Révolution perceptive ou l’odeur suspecte
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Chapitre 4
- Chapitre 5
- Deuxième partie. Purifier l’espace public
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Troisième partie. Odeurs, symboles et représentations sociales
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Chapitre 4
- Chapitre 5
- Dénouement
- Le village des « cannibales »
- Prélude
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Chapitre 4
- Conclusion
- Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot
- Prélude
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Chapitre 4
- Chapitre 5
- Chapitre 6
- Chapitre 7
- Chapitre 8
- Chapitre 9
- Chapitre 10
- Ouvrages d’Alain Corbin
- Sur Alain Corbin
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