Coup de cœur

C’est un rituel de la rentrée littéraire, tous les ans, Amélie Nothomb « pond » un livre. Mais depuis « stupeur et tremblements » et autre « hygiène de l’assassin », ses histoires devenaient lassantes à force d’originalité trop recherchée. Riquet à la houppe, le petit dernier est un vrai bijou. Un style incisif, émaillé de tournures lapidaires, de mots précis et de formules qui font mouche. Et surtout une histoire, en forme de conte de fées, qui raconte la rencontre entre un jeune homme, Déodat, très laid depuis l’enfance mais plein d’esprit et Trémière, ravissante jeune fille contemplative à qui l’on prête, à tort, peu d’intelligence. Tous les ingrédients du conte sont là et on croit deviner dès le début la fin de ce roman. Mais ce n’est pas la fin qui importe, pas plus que le début. C’est le cheminement de ces deux destinées dans le monde cruel d’aujourd’hui, la description des caractères hors du commun avec, en filigrane, la vie qui se déroule, les parents inquiets, les enfants cruels, les collègues qui rejettent la différence, jusqu’au hasard qui précipite, tel l’instrument d’un destin prévu, ces deux personnages d’un autre temps qui incarnent pourtant toute la réalité de notre monde. À lire absolument, pour le style, la langue, les idées fulgurantes qui jaillissent à chaque page et l’histoire, la belle histoire de Déodat et Trémière. (M. G.)