Coup de cœur

Mathias Enard imagine le voyage que Michel-Ange aurait pu effectuer en mai 1506 à Constantinople, à la demande du sultan Bajazet, pour réaliser un projet de pont sur la Corne d’Or, bras de mer qui sépare l'Istanbul antique du quartier de Pera, sur le Bosphore. Le projet sert une ambition politique, celle de relier les deux rives de la cité autrefois chrétienne et tombée récemment aux mains des musulmans. Le sultan lui promet une immense fortune et a déjà refusé les plans de son rival Léonard de Vinci : c’est donc autant par appât du gain que par défi que Michel-Ange accepte, délaissant les travaux du tombeau du pape Jule II qui l’occupaient à Rome. A Constantinople, il dispose d'un atelier avec des dessinateurs et des ingénieurs à son service, mais il attend que la vision du pont lui apparaisse. Mathias Enard dépeint Michel-Ange au travail, penché sur ses carnets, qu’il remplit de listes ou d’esquisses. Combien de temps à attendre avant que l’inspiration ne vienne ? Le sultan le presse et s’impatiente, mais Michel-Ange attend que la perfection des formes et des proportions surgisse. En homme de la Renaissance, curieux des beautés du monde ottoman, il observe, se laisse entraîner à travers les méandres d’une métropole cosmopolite par Mesihi, un poète de cour chargé par le sultan de lui servir de guide. Mal à l’aise au milieu de cette ville inconnue, il n’en demeure pas moins sensible aux charmes d’un danseur androgyne et à l’amitié ambiguë du poète. Ce roman a reçu le Prix Goncourt des lycéens 2010.