Coup de cœur

Trilogie de Romain Slocombe : L’affaire Léon Sadorsky, L’étoile jaune de l’inspecteur Sadorsky, Sadorsky et l’ange du péché. Difficile de séparer ces trois livres qui vont crescendo dans l’horreur et l’épouvante. Dans le premier, on fait connaissance en 1942, avec le brigadier-chef Sadorsky, modeste fonctionnaire de police un peu ripou, obsédé sexuel et sans vergogne quand il s’agit de toucher des pots de vin. La consigne est d’arrêter les juifs qui ne portent pas l’étoile et il applique la consigne. Témoin de la rafle du vel d’hiv et des conditions atroces de détention, il se retranche derrière le règlement qui l’absout de toute humanité. Mais il sauvera tout de même sa petite voisine de quinze ans, la jeune Julie, qu’il confie à sa femme Yvette. Dans le deuxième tome, Léon Sadorsky a balayé tout bon sentiment et le lecteur s’aperçoit que même le sauvetage de Julie n’a pas été fait pour de bonnes raisons. Les arrestations se multiplient et Léon joue sur tous les tableaux pour traverser la guerre sans trop de dommages. Quant au troisième, c’est une apothéose de cruauté et il devient totalement méprisable. Alors pourquoi ces récits ? Parce que ce passé lourd et poisseux dresse d’abord un tableau de la vie parisienne à cette époque, des mentalités, des idées à la mode, mais aussi de la vie culturelle et du show-biz, plus présent qu’on ne le pense. Ensuite, parce qu’en remplaçant le mot « juif » par « migrant » ou « « étranger », ces années résonnent dangereusement avec celles d’aujourd’hui, par exemple, quand on entend certains se réfugier derrière la loi pour dénoncer, pour ne pas intervenir… Enfin, ces intrigues, menées à la façon d’un roman policier, sont à la fois sinistres et haletantes, et surtout documentées à la façon d’un historien qui entrecroise ici les histoires ordinaires avec la grande Histoire que personne ne peut oublier. À lire absolument. (M.G.)