Coup de cœur

Écrire sur sa mère et donner envie aux lecteurs d’écrire sur leurs proches, c’est le projet de Blandine Rinkel. Elle a concocté 65 chapitres, comme autant de clin d’œil aux 65 ans de cette mère, «femme oreille», simple, généreuse et toujours prête à rendre service. Jeanine est curieuse du monde et de toutes ses cultures, mais au «tourisme des pierres elle préfère celui des gens» et plutôt que de visiter des monuments, elle préfère aborder des inconnus croisés dans la rue ou au supermarché et les inviter dans sa cuisine rose autour d’un bol de cidre et d’une assiette de crêpes ! Plutôt que de rechercher des promotions ou une reconnaissance sociale, elle a choisi de rester libre et d’abandonner toutes «prétentions», nul doute qu’elle n’a jamais assumé son origine modeste, craignant toujours d’être «humiliée» par des mieux nés qu’elle, elle est de la «basse» et a toujours eu peur de ne pas être à la hauteur ! La romancière parle de sa mère avec une tendresse bienveillante mais non dénuée de lucidité. Elle est agacée par sa «sainteté sans bornes, sa naïveté et son incapacité à s’émanciper», se demande où est sa part d’ombre et ce qu’elle faisait en mai 68. Autant de questions et de réponses pour tenter de mieux comprendre cette femme complexe, et pour convaincre le lecteur que «chaque vie, même la plus anodine vaut d’être écrite et pensée». Pari réussi. Le style est attrayant, on est capté par une écriture subtile et un vocabulaire riche. (A.P.)