Proust est une fiction François Bon
Résumé
Proust constitue la cathédrale majeure de la littérature du vingtième siècle. On fête cette année le centenaire de la publication du premier volume de "A la recherche du temps perdu", oeuvre à laquelle une bibliothèque entière a été consacrée. Le livre de François Bon fera à coup sûr partie de ceux (rares) qui marquent une contribution décisive et qui restent. C'est l'hommage souvent passionné et toujours passionnant d'un auteur contemporain à son illustre prédécesseur. Relisant ses gros volumes en papier, exploitant les possibilités de recherche (notamment lexicales) offertes par le numérique, François Bon fait affleurer des thèmes (la photographie, le téléphone, l'électricité, les bordels, les robes, la mode, les aubépines), des obsessions, explore les techniques romanesques, prend la mesure de l'incroyable et indémodable modernité de l'univers proustien. En romancier, il se libère des réalités chronologiques pour faire dialoguer Proust et Baudelaire, dans une complicité stimulante et doublement révélatrice (sans oublier le fantôme de Lautréamont qui vient errer dans la chambre-tombeau de l'écrivain). Surtout, François Bon nous dit en quoi la lecture de Proust a été déterminante pour lui, et combien cette œuvre continue de retentir dans nos vies et de les éclairer de façon décisive.
- Auteur :
- Bon , François
- Éditeur :
- Le Seuil, 2013
- Genre :
- Essai
- Langue :
- français.
- Description du livre original :
- 1 vol. (330 p.)
- ISBN :
- 9782021100730.
- Domaine public :
- Non
Table des matières
-
- [1] longtemps, je me suis couché de bonne heure
- ouverture : mémoire, relecture
- [2] la constante nullité intellectuelle qui habitait sous le front songeur d’Octave
- quand Paul Morand fait visiter la chambre de Marcel Proust
- [3] mais je peux au moins croire que Baudelaire n’est pas sincère
- de cette première conversation (attestée et vérifiable) qu’eurent Marcel Proust et Charles Baudelaire
- [4] pour écrire ce livre essentiel
- de pourquoi Marcel Proust n’a pas publié Jean Santeuil
- [5] je m’ennuie après votre photographie
- ouvrir le dossier des cent quatre-vingt-dix-huit mentions du mot « photographie » dans la Recherche
- [6] il me semble que je n’aimerais pas avoir le téléphone à domicile
- et vint le premier roman avec téléphone
- [7] la grandeur dans le bruit lointain d’un aéroplane
- quand Proust monte à cheval et fait voler ses avions avec vingt ans d’avance
- [8] les modernes années n’apportent point de changement à la cité gothique
- éloge de l’odeur du pot d’échappement par Marcel Proust
- [9] j’entendis avec joie une automobile sous la fenêtre
- c’est Proust qui fit connaître l’automobile à Baudelaire
- [10] cette idée d’une morte qui continue à vivre
- cimetière du Père-Lachaise, division 85, première visite
- [11] excavateur
- « Mais comme nous les aimons, ces lourds matériaux que la phrase de Flaubert soulève et laisse retomber avec le bruit intermittent d’un excavateur »
- [12] intailles dans une topaze
- de l’électricité chez Proust
- [13] un binocle, une longue redingote, un gant
- de cette manie de s’échanger les vêtements qu’avaient Proust et Baudelaire
- [14] des colonnes Vendôme de glace
- allégations concernant Marcel Proust fils naturel de Lautréamont dans les archives de la Bibliothèque nationale
- [15] de même une tempête mécaniquement imitée
- on aurait pu disposer d’un enregistrement de la voix de Proust
- [16] je sais que tu ne l’aimes pas
- de comment naquit la première phrase de la Recherche
- [17] des danses nouvelles s’organisaient
- de Proust et Kafka dansant ensemble dans ce film de Federico Fellini
- [18] redevenir jaune et métallique avec Baudelaire
- de la couleur jaune chez Baudelaire, telle qu’affirmée par Proust
- [19] on disait qu’à une période de hâte convenait un art rapide
- de la vitesse chez Proust (et de l’écriture aussi, un peu)
- [20] on se sert tout de même des armes conquises pour s’affranchir de celui qu’on a momentanément vaincu
- des écoles en littérature
- [21] avalant tout le temps comme cela des pastilles Géraudel
- c’était parfait contre la toux (mais n’empêchait pas de mourir)
- [22] deux doigts, ou plutôt deux ongles
- on ne connaissait pas encore le coupe-ongles
- [23] d’une certaine couleur des étoffes et des lieux
- de Proust comme inventeur de maisons
- [24] et pour rendre Venise plus intime et plus vraie lui donner de la ressemblance avec Aubervilliers
- paradoxes de l’inclusion Venise dans Albertine disparue
- [25] et consommait la ruine de Venise
- faire venir Baudelaire à Venise participait d’une bonne intention
- [26] comme ce fut symboliquement visible à son enterrement
- cimetière du Père-Lachaise, division 85, suite
- [27] « j’avoue que la peinture de ces inutiles m’indiffère assez », disait Bloch
- de l’intérêt ou pas de parler de duchesses en littérature
- [28] pour me distraire les soirs où on me trouvait l’air trop malheureux
- laterna magica
- [29] étendait de vastes nappes de terreur, de tendresse, sur les mots fondus également, tous aplanis ou relevés
- de la notion de nappe associée à celle de temps référentiel nul
- [30] et nous tenons à eux, même à ceux que nous voudrions le plus corriger
- que les phrases bancales signifient aussi
- [1] longtemps, je me suis couché de bonne heure
-
- [31] mais cette vieille peste de Saint-Simon
- Saint-Simon comme fitness des écrivains
- [32] se reportait pour chaque mot à une sorte de dictionnaire intérieur
- de l’étendue du vocabulaire de Proust, et du rôle des dictionnaires
- [33] paisible comme ceux des cimetières
- visite de Proust et Baudelaire à la tombe de Baudelaire
- [34] un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés
- cimetière du Père-Lachaise, division 85, suite
- [35] « Hé bien, ce pauvre Dechambre, dit-il mais à mi-voix… »
- on a tué le pianiste de la Recherche
- [36] mais ses zones d’attaque étaient encore si limitées
- elles avaient bien tenté d’empêcher ces intrusions de Baudelaire
- [37] on parlait de ne plus m’envoyer aux Champs-Élysées
- de comment avait commencé cette relation de Proust à Baudelaire
- [38] Avez-vous vu de belles choses, en Amérique ?
- no America inside
- [39] chaque jour j’accorde moins de prix à l’intelligence
- j’avais voulu lui montrer ma bibliothèque
- [40] secrète, bruissante et divisée, la phrase aérienne et odorante
- du rôle de la musique dans l’organisation du livre et de sa phrase
- [41] les syllabes du vers remplirent aussitôt la mesure d’un alexandrin
- si ce n’était cette manie de Baudelaire à vouloir donner des leçons
- [42] elle avait l’air d’une rose stérilisée
- temps élastique d’Odette
- [43] comme un kleptomane sait inutilement qu’il est mal de voler
- apparition et rôle de Bergotte
- [44] Musset, simple bourgeois de Paris
- que Baudelaire ne put jamais pardonner à Proust son goût pour les poètes d’effet (un cut-up)
- [45] lumière matérialisée et palpable
- avantage de la récurrence dans la dématérialisation du récit
- [46] sur lesquels ma langue se charge de faire rouler de glaciales avalanches qui les engloutiront
- de ce voyageur qui inlassablement arpente la Recherche
- [47] pour se dépouiller en présence de la réalité
- l’excursion à Beg-Meil
- [48] ascension tourmentée dans les spirales de mon angoisse solitaire
- de cette multiplication des portraits mortuaires
- [49] ces évocations tournoyantes et confuses ne duraient jamais que quelques secondes
- du sommeil comme génétique du texte
- [50] la lecture, magique comme un profond sommeil
- Baudelaire ignorait le dentifrice en pâte
- [51] une impression qui pouvait ressusciter en moi l’homme éternel
- affronter la madeleine (et ne pas y réduire Proust)
- [52] ces paysages du rêve, toujours les mêmes
- de ce fameux passage des trois arbres
- [53] comme avant d’avoir parfait leur voûte s’écroulent les vagues
- mouvement des vagues : Le Gray, Courbet, Proust
- [31] mais cette vieille peste de Saint-Simon
-
- [54] la place qui chez l’homme s’enlaidit comme du crampon resté fiché dans une statue descellée
- petits plaisirs à même le texte
- [55] des caresses avec sa langue
- scènes d’amour avec amour
- [56] toute une vie secrète, invisible, surabondante et morale
- il y a dans Proust les fragments d’une morale, insistait Baudelaire
- [57] des coups de marteau qui semblaient ébranler le plafond sur notre tête
- de la curieuse histoire du sourd dans la Recherche
- [58] je savais très bien que mon cerveau était un riche bassin minier
- géographie intérieure et noms de pays
- [59] le Funi, bien que ce ne fût nullement un funiculaire
- ce rêve d’emmener Baudelaire tout en haut de la ville
- [60] comme un orgue de Barbarie détraqué qui joue toujours autre chose que l’air indiqué
- Samuel Beckett, un précurseur parmi les premiers lecteurs de Proust
- [61] ce Marcel Proust, un être qui vivrait tout à fait dans l’enthousiasme
- du débraillé de Marcel Proust
- [62] ce sont eux les véritables illettrés, et non les ouvriers électriciens
- des ouvriers chez Proust, et de Zola poète
- [63] la désolation sans pensée d’un feuillage que cingle la pluie et que retourne le vent
- à savoir si Proust a vraiment assisté à l’autopsie d’Émile Zola
- [64] et nous montre que ce que l’écrivain nous vante ne valait pas grand-chose
- d’un auteur qui n’aime pas Marcel Proust et dit pourquoi : Julien Gracq
- [65] aussi immémorial qu’une millénaire et somptueuse momie
- d’un auteur qui aime Proust et l’explique : Claude Simon
- [66] surface abrégée rendue plus translucide et plus saisissante
- de cette tentative d’un Proust abrégé
- [67] offrant aux coups leurs architectures sans défense
- de ce fameux texte perdu de Baudelaire expliquant Proust
- [68] et la tristesse, morne comme un déménagement
- de la tristesse comme poème
- [69] comme les premiers ou les derniers accords d’une fête inconnue
- Philippe Soupault n’a pas tout raconté de ses rapports avec Proust au temps de Cabourg
- [70] toujours c’est le vaincu qui m’avait paru le plus beau
- de Proust récrivant Baudelaire avec son propre vocabulaire
- [71] pour y parcourir les artères de la cité souterraine
- Père-Lachaise, division 85, mais dessous
- [72] notre vie ainsi que d’un musée où tous les portraits d’un même temps ont un air de famille
- reconstitution moderne de la chambre de Proust avec écriture interactive
- [73] avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques
- de la jambe de Sarah Bernhardt
- [74] comme une recrue devant un sergent tourmenteur
- cruauté de Marcel Proust (envers Saniette)
- [75] fidèlement antiques mais puissamment originales
- des robes, et du livre comme robe
- [76] Est-ce les volumes dorés qu’il y a dans la petite bibliothèque vitrée de votre boudoir ?
- personne n’a dressé l’inventaire de la bibliothèque de Marcel Proust, il manque
- [77] un roman d’une envolée un peu haute, un de ces livres qu’on place dans le bon coin de sa bibliothèque
- des livres nécessaires, selon Baudelaire
- [78] de même qu’on dépose à la Bibliothèque Nationale un exemplaire d’un livre qui sans cela risquerait de devenir introuvable
- brouillons d’écrivains
- [79] et une incomparable bibliothèque rien qu’en parcourant ses souvenirs de famille
- remarque de Baudelaire, dite en passant
- [80] qui sont, si tu veux, comme le passé, comme la bibliothèque, comme l’érudition, comme l’étymologie, comme l’aristocratie des batailles nouvelles
- de Proust et Baudelaire dans un grand magasin
- [81] vous connaîtriez les tristesses d’un blackboutage d’outre-tombe
- du mot proustien « blackboutage »
- [82] c’est avec cela qu’on verra ce que prépare l’adversaire
- conversation sur les ascenseurs
- [83] la chose elle-même qu’on fait ici, je ne peux plus vous cacher que je l’aime, qu’elle est le goût de ma vie
- scène du bordel, 1
- [84] cette maison est tout autre chose, plus qu’une maison de fous, puisque la folie des aliénés qui y habitent est mise en scène
- scène du bordel, 2
- [85] tout cela pourtant, dans cette nuit paisible et menacée, gardait une apparence de rêve, de conte
- scène du bordel, 3 (avec Baudelaire)
- [54] la place qui chez l’homme s’enlaidit comme du crampon resté fiché dans une statue descellée
-
- [86] qu’ainsi mon plaisir serait plus complet s’il y avait moins d’intermédiaires entre moi et les animaux
- bestiaire de la Recherche
- [87] et c’est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l’existence
- de ce projet de film sur Proust qu’avait Bernard-Marie Koltès
- [88] les œuvres écrites pour la postérité ne devraient être lues que par elle
- cimetière du Père-Lachaise, division 85, fin
- [89] mais ayant leur part d’un secret des autres que le reste de l’humanité ne soupçonne pas
- Lautréamont a probablement visité la chambre mortuaire de Proust
- [90] quand je lisais, je rêvassais souvent, pendant des pages entières, à tout autre chose
- retour à Combray, 1 – de la lecture
- [91] des listes que je me récitais toute la journée, et qui avaient fini par durcir dans mon cerveau
- retour à Combray, 2 – nappes
- [92] puisque je voulais un jour être écrivain, il était temps de savoir ce que je comptais écrire
- retour à Combray, 3 – écrire
- [93] et qui font comprendre que Baudelaire ait pu appliquer au son de la trompette l’épithète de délicieux
- du mot « trompette » chez Baudelaire et chez Proust
- [94] c’est malheureux, un garçon si doué, qu’il soit si paresseux
- de la paresse comme préalable à l’invention esthétique
- [95] Combien de grandes cathédrales restent inachevées
- de l’inachèvement comme condition préalable d’écriture
- [96] causer pendant toute une vie sans rien faire que répéter indéfiniment le vide d’une minute
- mais moi je les crois, Baudelaire et Proust
- [97] chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même
- lire, relire, délire, encore lire
- [98] c’est une humanité plus fantastique que celle qui peuple la Ronde de Nuit de Rembrandt
- Proust (comme Saint-Simon, comme Balzac) c’est une foule
- [99] si on a autant de surprises qu’à visiter une maison d’apparence quelconque dont l’intérieur est rempli de trésors, de pinces-monseigneur et de cadavres
- comment on finit par se débarrasser de Baudelaire
- [100] comme le bruit préalable d’un cataclysme possible
- Entretien de Marcel Proust avec Élie-Joseph Bois, Le Temps, le 13 novembre 1913
- [86] qu’ainsi mon plaisir serait plus complet s’il y avait moins d’intermédiaires entre moi et les animaux
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