Résumé

Un étudiant en médecine est chargé par un de ses "patrons" de faire une enquête sur le frère de celui-ci, le peintre Strauch qui, depuis la guerre, s'est détaché du monde et vit retiré dans une auberge d'un village de la haute montagne autrichienne. Pourquoi cette retraite ? Est-il malade, fou ? Quels sont ses besoins, ses ressources ? Pourquoi ce renoncement à l'art, à la famille, à la Société ? Le roman est le rapport quotidien de cette enquête, des vingt-sept jours d'observation vécus au coeur du gel hivernal et du gel psychologique : la rencontre du jeune homme et du vieillard, la progressive découverte de l'Univers que s'est choisi le misanthrope, avec des personnages étranges et inquiétants : la patronne de l'auberge sordide, le fossoyeur qui la fournit en viande de chien, les paysans dégénérés, des forains batailleurs, des voleurs de bestiaux... Incendies, accidents mortels, bagarres, abattages clandestins de bêtes : la partie anecdotique du livre n'est que la toile de fond de l'univers désespéré du peintre Strauch, sa contrepartie visible, sensible et aussi tragique. Se prenant d'amitié pour le jeune narrateur dont il ignore l'identité, il lui expose en de longs monologues décousus, d'un ton étrange, hallucinatoire, envoûtant, en formules fulgurantes, ses conceptions du tragique et de l'absurde, du mystère de vivre. Rarement ces termes ont été exprimés avec un lyrisme de cette force, cette cruauté à la fois cynique et pitoyable. D'abord déconcerté, le jeune rapporteur se laisse peu à peu dominer, envoûter par la séduction redoutable et mortelle du gel de la montagne, de la nature et du nihilisme définitif du peintre. Il n'en sera libéré que par la disparition du vieil homme dans la montagne. Livre étrange, fort, poignant, d'un ton très personnel, puissance dramatique et prolongements métaphysiques en font une oeuvre représentative de la jeune littérature allemande aux prises avec des thèmes essentiels auxquels elle essaie de donner, comme à tâtons, une forme originale.