Résumé

BIEN que ce petit livre (que nous pourrions appeler Discours de Circonstances, même à défaut de cette circonstance qui fait l'orateur et lui donne l'autorité, ou de celle qui fait le lecteur et l'incite à s'instruire) ne contienne aucune exhortation et n'ait donc aucune excuse en son imperfection, il ne bénéficie d'aucun concours de circonstances et se trouve donc abandonné à son propre développement. Pourtant, il n'est pas sans espoir ni, surtout, dépourvu de franc courage. Il cherche cet individu qu'avec joie et reconnaissance j'appelle mon lecteur, que dis-je: il ne le cherche même pas. Ne connaissant ni le temps ni l'heure, il attend en silence la venue de ce lecteur véritable qui, comme l'époux, apportera avec lui l'occasion favorable. A chacun sa tâche : la plus ardue appartient au lecteur. L'important, c'est l'appropriation De là vient l'heureux abandon de ce livre. Il n'est pas question ici du mien ou du tien, tels que les entend ce monde qui établit des distinctions et défend de s'approprier le bien du voisin. Car l'admiration ne va pas sans un peu de jalousie, elle est donc entachée d'erreur; et la critique, si fondée soit-elle, offre pourtant quelque résistance; elle est donc sujette à l'erreur, et, même familière, l'image reflétée par le miroir n'est qu'une connaissance passagère et, comme telle, une erreur. Mais demeurer pleinement attentif et refuser d'oublier ce qui ne saurait être l'oeuvre de l'impuissant miroir : voilà en quoi consiste l'appropriation, et celle-ci appartient avant tout au lecteur car c'est par elle que son abandon devient une victoire. S. K