Coup de cœur

Les immenses prairies d’Orient, foisonnantes et arides, sont les grands couloirs géographiques où l’on peut entendre, dit-on, lorsque les éclairs zèbrent le ciel de leurs lumières vibrantes, les rumeurs des sabots de la cavalerie mongol. Et bientôt, par-dessus le grondement des galops, d’abord ténu, la voie du barde s’enfle, gutturale, âpre, lorsqu’il scande les premiers pas du jeune Temüjin. Le récit des chroniques de l’histoire secrète des mongols commence. Et c’est dans ce récit, comme s’il cherchait la beauté dans des accords dissonants, qu’Inoue Yasushi inscrit sa voix sur les grands plateaux aux pieds du mont Burquan. On retrouve ici son écriture scrupuleuse des faits historiques, comme ses distorsions qui portent l’accent sur le rôle des concubines, la fidélité en amour, la loyauté, la bravoure et la patience de l’homme rusé. Sous sa plume, les liens qui unissent Gengis-khan, Bôrte et Kulan sont le baume, parfois terriblement âcre, qui apaise les blessures secrètes de l’homme qui devint le « conquérant du monde ». C’est un voyage dans les territoires des steppes, dans le froid, le vent, au printemps où la nature chante, en compagnie des fiers et féroces mongols, dans les déserts où l’on risque à chaque pas de mourir, dans les oasis où l’on découvre le génie de la créativité humaine. Un voyage qui nous transporte dans le temps des transformations d’une société, qui, malgré le sang et la fureur, s’inspire de ses voisins pour accoucher d’une nouvelle civilisation. (Pierre)